Au Canada, les changements annuels influencent la perception que nous avons de la forêt. Grâce au climat, notre qualité de vie profite incroyablement de ces palettes changeantes.

 

RAPPEL : Ce n’est un secret pour personne, je suis une papivore, une lectrice assidue et une amoureuse du papier. Cette noble matière recyclable vient d’une ressource naturelle, renouvelable: la forêt.

Nous avons beaucoup de chance au Canada : notre forêt recouvre 45 % du territoire. Je vous invite au fil des saisons à revisiter, en 12 articles, différentes façons d’apprécier cette forêt. La forêt a besoin de nous et nous avons besoin d’elle.

Il était une fois la forêt, ce fut d’abord un beau livre que j’ai écrit pour célébrer les arbres et l’incroyable richesse qu’ils représentent pour les humains et la biodiversité. Pour ce faire, j’ai interviewé 12 experts et excellents conteurs. Laissez-les vous parler de la forêt avec amour et respect, comme si vous aviez la chance de les écouter autour du feu…

 

Aujourd’hui, laissons Dominique Berteaux, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité nordique, nous parler du climat…

 

L’artiste à l’oeuvre

Un arbre ploie sous le verglas, incliné par les vents dominants, jouxtant une forêt.
La neige, le gel, le vent, les stress de température font aussi partie du climat : ils façonnent les arbres, la forêt.

 

Au Canada, l’œil perçoit tout autant le passage des saisons que le corps. L’esthétique de la forêt signe les transitions saisonnières. Les variations du climat nous offrent ainsi tour à tour des paysages touffus ou dénudés, verdoyants, rougeoyants ou tapissés de blanc et transpercés de conifères qui ne perdent pas leurs aiguilles. Ces changements annuels influencent la perception que nous avons de la forêt. Et notre qualité de vie profite incroyablement de ces palettes changeantes.

 

Le climat, c’est le grand sculpteur de la forêt. En écologie, la chaleur et l’eau sont les deux grands facteurs qui influencent la vie. Et la forêt, c’est la vie! Les climats varient, et les forêts –tropicale, tempérée ou boréale– s’y adaptent. On peut dire que les grands traits de la forêt sont en bonne partie déterminés par le climat, surtout par la température et l’humidité.

 

Du sud au nord, la forêt se transforme. De moins en moins de chaleur, de moins en moins d’eau et de plus en plus de saisonnalité. Dans un climat plutôt chaud et humide, les arbres poussent en hauteur et les feuilles sont généralement grandes. On y trouve beaucoup de formes de vie différentes. Dans un climat plus froid, la croissance est plus difficile, plus lente. La forêt est moins dense, il y a moins de variété. Si on regarde une photo de forêt, on peut ainsi deviner quel est le climat de la région.

 

Plus il y a d’heures dans une année où la température est favorable, plus la plante grandira et s’épanouira. Le nombre de degrés-jours, soit la somme des températures nécessaires sur une période donnée pour permettre la croissance des végétaux, est, on le voit, très variable d’une région à l’autre. Cela dit, une plante, c’est aussi en bonne partie de l’eau. Ainsi, l’abondance d’eau favorisera également sa croissance.

 

La forme des arbres nous renseigne quant à elle sur la productivité, la vitalité d’une forêt donnée. Si on se trouve dans une forêt de feuillus dont les feuilles sont relativement petites, mais souples et tendres, il s’agit d’une forêt tempérée. On devine que le climat est saisonnier, qu’il y a des hivers, mais aussi assez de chaleur l’été pour que la forêt ait une bonne croissance.

 

Si, plus loin, on trouve une forêt dont les arbres sont plus petits et porteurs d’aiguilles, on comprend que le climat est très rude, avec des hivers et des étés très différents, et des froids assez intenses ou de grandes périodes de sécheresse. Et s’il n’y a pas d’autres espèces que les conifères, c’est que le froid domine une bonne partie de l’année.

 

Les petits traits de la forêt, plus fins, dépendent pour leur part de toutes sortes de choses, dont la neige, le gel, le vent, les stress de température…, qui font aussi partie du climat. Tous ces facteurs contribuent à sculpter les détails de la forêt. Comme le vent qui, à certains endroits, peut faire tomber les grands arbres, influençant alors le renouvellement et la propagation de la forêt. Quand il est souvent très fort, les arbres se recroquevillent, se ramassent sur eux-mêmes. Comme le gel aussi, qui provoque parfois l’explosion des cellules de la plante lorsque l’eau dont elle est gorgée augmente de volume. Certaines plantes y résistent, d’autres pas. Ou encore comme la neige, dont l’accumulation protège du grand froid certaines espèces de plantes et d’animaux.

 

Des milliards de petits coups de pinceau, de ciseaux, partout, tout le temps.

 

Les changements climatiques

 

On dissocie souvent le climat de la forêt, comme s’il n’y avait pas de lien étroit entre ce qui se passe dans les airs et ce qui se passe au sol. Mais tout se tient…

 

Le réchauffement actuel, par exemple, favorise nos forêts dans une certaine mesure. Les arbres croissent davantage, et plus d’espèces sont en mesure de s’y établir. Mais à cause de la vitesse à laquelle cela se produit, la forêt n’en sera pas pour autant plus belle. Il y aura une période où les espèces les mieux adaptées ne seront pas encore arrivées ; elles seront encore trop au sud, et n’auront pas eu le temps de coloniser ces contrées plus nordiques. Il se peut même que des insectes arrivent plus vite qu’elles et détruisent la forêt. C’est donc un développement chaotique auquel nous assisterons.

 

Il suffit de songer au dendroctone du pin, avec lequel il faut maintenant composer dans l’ouest du pays. Autrefois, il n’arrivait pas à se reproduire en nombre durant l’été, alors qu’aujourd’hui, il dévaste des pans entiers de forêt. Reste qu’à long terme, le climat sera plus chaud et plus humide, ce qui favorisera la forêt nordique… tout en la modifiant en profondeur !

 

La forêt sculpte elle-même le climat

FForêt nappées de brouillard de nuages
La forêt agit comme une éponge : un heureux cycle.

 

S’il y a longtemps qu’on sait que le climat influence le paysage, ce n’est que plus récemment qu’on a compris que l’inverse est également vrai. D’une certaine façon, la forêt sculpte en effet le climat.

 

On sait, pour avoir réduit les pluies acides ou le trou dans la couche d’ozone, qu’on peut inverser les tendances quand on prend des mesures comme celles du Protocole de Montréal. Mais dans le cas des changements climatiques, le problème est encore plus complexe à régler.

 

Par exemple, si, au Québec, on enlevait toute la forêt, le climat serait beaucoup plus sec. Car, la forêt agit comme une éponge ; l’eau tombe et reste d’abord dans le sol, sur les feuilles et dans les plantes avant de se réchauffer et de s’évaporer. S’il n’y avait pas de forêt, l’eau s’en irait tout de suite dans les rivières, jusqu’à la mer. On le voit bien sur les photos où il y a une forêt d’un côté et un espace sans forêt de l’autre : les nuages se forment au-dessus de la zone où se trouve la forêt. C’est très net. On sent également la différence lorsqu’on approche d’un boisé en ville ; le climat change brusquement pour devenir plus frais, plus humide.

 

Voici comment ça fonctionne. La forêt agit sur l’humidité, influence la réverbération de la chaleur vers l’atmosphère et capte les carbones. C’est la photosynthèse. Cela est particulièrement vrai de la forêt boréale, qui recouvre 70 % du Québec de même qu’une très grande partie du Canada. Les plantes absorbent le gaz carbonique et, avec l’énergie du soleil, en font de la cellulose. Le déchet qui en résulte, c’est l’oxygène ! Pour nous, il s’agit de l’aliment de base, mais pour la plante, c’est en quelque sorte un résidu. La cellulose ainsi formée produit des arbres dont les feuilles et les troncs finissent par tomber. Dans une forêt tropicale, tout se décompose très rapidement, alors que dans une forêt boréale, nordique, la matière végétale s’accumule au sol, et stocke donc du carbone. Bref, la forêt boréale puise dans l’atmosphère du gaz carbonique qu’elle garde avec elle longtemps, et contribue du coup à nous faire mieux respirer.

 

La forêt canadienne prise dans son ensemble constitue un gros morceau de la forêt mondiale. Son rôle est important dans l’atmosphère de toute la planète. Elle participe à la composition de l’atmosphère et aux grands échanges continentaux de masses d’air.

 

L’action du climat sur les hommes à travers la forêt

une forêt praticable
Le climat, lorsque plus favorable, permet aux humains de développer leur intellect et leur art.

L’humain est mieux armé que la forêt pour s’adapter aux changements rapides du climat. En tant qu’animal, il régule sa température. Il sait faire du feu. Il peut se vêtir. Mais sa vie est tout de même très dépendante de son environnement.

 

Pour illustrer ce point, prenons l’Ouest canadien, où la forêt est exceptionnelle. La vie des Autochtones au moment de l’arrivée des Blancs était plus aisée sur les côtes de la Colombie Britannique qu’au Yukon. Le climat était plus doux, le saumon abondant et les ressources de la forêt, généreuses, à leur portée. Cela leur donnait plus de temps pour développer leur intellect et leur art, comparativement à leurs voisins du Yukon, constamment en quête de nourriture, contraints de parcourir de longues distances pour chasser, et jamais certains de l’avenir.

 

L’histoire n’est-elle pas fascinante du point de vue de la forêt?

 

Vous avez apprécié cette exploration? N’hésitez pas à la faire suivre aux amoureux de la nature. Nous reviendrons bientôt vous parler de biodiverstité.

À très bientôt,

 

Isabelle

Prochain épisode : La biodiversité et la forêt

Vous aimerez sans doute lire le 1er de 12 articles sur la forêt : La forêt comme paysage

Comment le climat sculpte la forêt (2 de 12)
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7 thoughts on “Comment le climat sculpte la forêt (2 de 12)

  • 2020-12-07 à 09:03
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    Merci pour cet article très intéressant. J’ai voyagé, appris et decouvert des aspects de la forêt que je ne connaissais pas. Ressourcant, tout ça ! Bel hiver à vous !

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    • 2020-12-07 à 10:02
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      Merci, Marie, d’avoir accepté ce voyage et merci pour ce commentaire. Oui, nos quatre saisons marquées nous permettent de rester attentifs à la nature et de vivre des expériences intimes très différentes.

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  • 2020-12-07 à 16:28
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    Merci , merci , merci pour ton article sur la forêt … ce merveilleux poumon de la nature plein de force et d’énergie. je vais souvent marcher dans les bois ou les forêts pour me reconnecter non seulement à la Nature , mais également à moi-même. Il m’arrive également de prendre un arbre dans mes bras pour sentir sa force et son ancrage, ce qui me ressource et je sens comme un échange presque d’un ordre spirituel qui se passe entre l’arbre et moi … Merci encore pour ton bel article ?

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    • 2020-12-07 à 17:27
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      Éric, quel plaisir de te lire. C’est sympa. Je suis toujours touchée par ceux et celles qui aiment profondément les arbres. Ils sont si généreux! Et oui, il se passe quelque chose de très grand et de très intime dans les bois. Ébruitons le secret!

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  • 2020-12-07 à 21:54
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    Merci pour ton article superbe. J’adore embrasser les arbres, ils me redonnent vie. Je ne connais pas le Québec et ça l’air magnifiquement arbré. Merci. Elisa

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    • 2020-12-08 à 08:19
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      Merci, Elisa. En effet, nous avons un grand territoire et beaucoup de forêts. Malgré ce riche héritage naturel, il faut rester attentifs et contrer le réflexe de certains promoteurs à la déforestation. Mais ça, c’est une autre histoire.

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